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MéthodeMéthode : La décision de justice

arrêt de rejet

Cour de cassation, chambre sociale, mardi 9 février 2010.
Rejet.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 octobre 2008), que M. X..., qui était employé par l'association Relais jeunes Charpennes depuis le 1er octobre 1996, en dernier lieu en qualité de chef des services éducatifs, a été licencié le 20 septembre 2004 pour faute grave pour avoir notamment utilisé son poste informatique pour accéder à des sites pornographiques répertoriés dans ses favoris ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnités à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que les fichiers identifiés comme étant personnels sur l'ordinateur d'un salarié ne peuvent être consultés librement par l'employeur ; [...] qu'en considérant que la liste de sites « favoris » internet sur son ordinateur dont la création, selon les juges du fond, "répond au but d'accéder plus rapidement à des fichiers d'utilisation fréquente" par leur créateur, constituait un fichier professionnel et pouvait donc être ouverte hors sa présence, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;
2°/ que, sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ; qu'en autorisant le technicien informatique sollicité par l'association Relais jeunes Charpennes à examiner le disque dur de son ordinateur pour y rechercher les connexions alors qu'il était absent et n'avait pas été dûment appelé, sans caractériser l'existence d'un risque ou d'un événement particulier, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ; [...]

Mais attendu que les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence ; que l'inscription d'un site sur la liste des "favoris" de l'ordinateur ne lui conférant aucun caractère personnel, le moyen, [...] n'est pas fondé [...] ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;

Avant de lire la décision, relever les informations importantes à la compréhension du document :
TEXTE EXPLICATIONS

Cour de cassation, chambre sociale, mardi 9 février 2010 [...]

Il s'agit d'un arrêt de la cour de cassation.
La cour de cassation ne départage pas les parties, mais indique si les juges qui ont rendu la décision précédente ont correctement appliqué les règles de droit qu'ils ont utilisées pour justifier leur décision.

Cour de cassation, chambre sociale, mardi 9 février 2010
REJET
[...]
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :

REJETTE, […] ;

Il s'agit d'un arrêt de rejet.
La cour de cassation rejette les arguments du demandeur au pourvoi.
Celui-ci les présente à la cour :

  • Les juges auraient mal interprété tel ou tel texte (le sens exact du texte n'a pas été respecté) ;
  • Les juges auraient appliqué un texte hors contexte (inapplicable au cas soumis) ;
  • Les juges n'auraient pas suffisamment justifié leur décision (justifié en quoi la situation correspondait bien aux exigences d'un texte).
  • Si la cour de cassation estime que les arguments ne sont pas fondés (justifiés), ils les rejettent et valident ainsi la décision critiquée.

    La lecture ici aura donc pour objectif de savoir comment la cour de cassation entend appliquer/interpréter tel ou tel texte, conformément aux juges précédents.

    Contenu de la décision :

    Un arrêt de rejet reprend, en général, trois parties.

    TEXTE EXPLICATIONS
    1ère partie : faits et procédure antérieure

    Sur le premier moyen :
    Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 octobre 2008), que M. X..., qui était employé par l'association Relais jeunes Charpennes depuis le 1er octobre 1996, en dernier lieu en qualité de chef des services éducatifs, a été licencié le 20 septembre 2004 pour faute grave pour avoir notamment utilisé son poste informatique pour accéder à des sites pornographiques répertoriés dans ses favoris ;

    LES FAITS :
    Un salarié a été licencié pour avoir consulté des sites pornographiques sur son lieu de travail, dont les adresses étaient archivées dans ses favoris.
    Son employeur lui reproche une faute grave.

    Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnités à ce titre, alors, selon le moyen : [...]

    PROCÉDURE ANTÉRIEURE :
    Aucun renseignement ne nous est donné à ce sujet :

  • Au premier degré :
    • Qui a initié la procédure ? Ce n'est pas indiqué.
    • Qui obtenu satisfaction ? Ce n'est pas indiqué.
  • En appel :
    • Qui a formé appel ? Ce n'est pas indiqué.
    • Solution de la cour d'appel : celle-ci a relevé une faute grave contre M. X et a prononcé son licenciement.
    • Solution confirmative ou infirmative ? Ce n'est pas indiqué : tout est possible.

    Ne pas supposer les éléments inconnus, même s'ils semblent logiques ou plausibles. Si M.X a du assigner devant le Conseil de Prud'hommes, mais rien n'indique la suite des événements de façon certaine.

    2ème partie : Arguments du demandeur au pourvoi

    Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnités à ce titre, alors, selon le moyen : [...]

    Le demandeur M. X, FAIT GRIEF :
    Cette expression, qui signifie "reproche", indique les arguments du demandeur contre la décision précédente, classés par moyens (argument, par référence à un ou plusieurs textes).

    [...] 1°/ que les fichiers identifiés comme étant personnels sur l'ordinateur d'un salarié ne peuvent être consultés librement par l'employeur ; [...] qu'en considérant que la liste de sites "favoris" internet sur son ordinateur dont la création, selon les juges du fond, "répond au but d'accéder plus rapidement à des fichiers d'utilisation fréquente" par leur créateur, constituait un fichier professionnel et pouvait donc être ouverte hors sa présence, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ; [...]

    L'argument est ici subdivisé en deux parties :
    1°/ Art. 8 CEDH, Art. 9 c.civ. & L.1121-1 c.trav.

  • Les deux premiers garantissent le respect de la vie privée (qui inclue le secret des correspondances).
  • Art. 8 CEDH :
    1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
    2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
    Art. 9 c.civ. :
    Chacun a droit au respect de sa vie privée.
    Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

  • Le dernier impose à l'employeur de justifier toute atteinte aux droits fondamentaux des salariés par la nature des tâches qu'ils ont à accomplir et de proportionner l'atteinte aux objectifs poursuivis par l'employeur.
  • Art. L.1121-1 c.trav. :
    Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

    Pour le demandeur, une liste de "favoris" s'analyse en un fichier informatique qui lui est personnel, auquel l'employeur ne peut accéder qu'en la présence du salarié.
    Pour avoir décidé du contraire et validé un libre accès par l'employeur, la cour d'appel a méconnu l'ensemble des trois articles sur le respect de la vie privée d'un salarié (violation de la loi caractérisée).
    Note du webmaster : Pour rendre "personnel" un fichier informatique sur du matériel à vocation professionnel, la jurisprudence demande à ce qu'il soit placé dans un dossier ou répertoire signalé comme "personnel".
    Une liste de "favoris" répond-elle à ce critère ?
    En effet, une preuve obtenue de façon illicite, ne peut être admise en justice. L'enjeu est donc ici de savoir si les preuves concernant les favoris peuvent ou non servir à établir la faute du salarié.

    [...] 2°/ que, sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ; qu'en autorisant le technicien informatique sollicité par l'association Relais jeunes Charpennes à examiner le disque dur de son ordinateur pour y rechercher les connexions alors qu'il était absent et n'avait pas été dûment appelé, sans caractériser l'existence d'un risque ou d'un événement particulier, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;

    2°/ sur les mêmes textes.
    Une atteinte à la vie privée (fouilles, consultation de documents privés, etc.) sur un lieu de travail par l'employeur, suppose la présence du salarié (ou du moins qu'il soit averti), sauf dans le cas d'une urgence (risque ou événement particulier).
    Or les juges ont retenu la preuve des consultations des sites internet, sur la base d'une consultation de l'ordinateur hors la présence du salarié, sans relever de motif qui aurait dispensé l'employeur de cette formalité.
    Pour ces deux raisons, la décision des juges serait basée sur une "violation de la loi" (méconnaissance des textes utilisés).
    Note du webmaster : Pour le demandeur, il y a là un deuxième motif de dire que la preuve est illicite.

    3ème partie : Arguments & Décision de la cour

    Mais attendu que les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence ; que l'inscription d'un site sur la liste des "favoris" de l'ordinateur ne lui conférant aucun caractère personnel, le moyen, [...] n'est pas fondé [...] ;
    PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
    REJETTE le pourvoi ;

    La cour conteste les arguments du pourvoi (Mais attendu que...) :

  • Elle indique la règle qui lui sert de base à son raisonnement :
    Les connexions internet faites par un salarié à l'occasion de son temps de travail sur un outil informatique mis à sa disposition par son employeur ont un caractère professionnel.
  • Mettre des informations dans une liste de "favoris" est insuffisant pour rendre ces données "personnelles" : elles échappent au domaine du respect de la vie privée et l'employeur n'a pas à respecter la convocation ou la présence du salarié pour en consulter le contenu.
  • L'argument du demandeur est donc infondé.
    Le second argument découlant du premier n'est donc pas examiné.
  • Le pourvoi est rejeté et la décision précédente (ici la décision d'appel) est donc validée.
    La dernière possibilité de recours (la cassation) ayant été exercée, l'arrêt d'appel deviendra définitif et sera exécuté.

    L'intérêt de ce genre d'arrêt réside dans le rappel de la règle appliquée par la cour de cassation : une liste de "favoris" peut être consultée par l'employeur et servir de preuve à d'éventuelles sanctions contre le salarié.


    Dernière mise à jour : 14-07-2015